A la fin du bail d’habitation, quelles qu’en soient les modalités ou les raisons (congé, mise en œuvre de la clause résolutoire, résiliation judiciaire…), le locataire devient un occupant sans droit ni titre contre lequel peuvent être dirigées des mesures d’expulsion locative afin d’obtenir la libération des lieux loués.
Il est important pour le propriétaire confronté à un litige locatif d’agir rapidement car la mise en œuvre de cette procédure peut être longue.
Précision faite que nous n’aborderons dans cet article que l’hypothèse où le logement loué est la résidence principale du locataire.
Attention : la procédure d’expulsion locative est empreinte d’un formalisme presque tatillon, imposé par le Code des procédures civiles d’exécution. Il est donc essentiel de bien en connaître les règles.
Sommaire
Commandement de libérer les lieux : une étape essentielle de l’expulsion locative
Obtention d’un titre exécutoire
Tout d’abord, et ce point est fondamental, la procédure d’expulsion locative ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire, rédigé dans le cadre d’une conciliation entre bailleur et locataire.
C’est par exemple le cas lorsqu’une décision de justice est rendue en suite de loyers impayés.
Outre l’obtention de ce titre exécutoire, l’expulsion locative ne peut être poursuivie qu’après la signification à l’occupant, par huissier de justice, d’un commandement d’avoir à quitter les lieux.
Signification du commandement de quitter les lieux
Le commandement de libérer les lieux doit, à peine de nullité, contenir :
- L’indication du titre exécutoire en vertu duquel l’expulsion est poursuivie ;
- La désignation de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les demandes de délai ;
- L’indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés ;
- L’avertissement qu’à compter de cette date, il pourra être procédé à l’expulsion forcée de l’occupant et de tout occupant de son chef.
Une copie du commandement doit être adressée par l’huissier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au préfet.
La validité de la procédure est compromise si l’huissier ne respecte pas scrupuleusement ce process. Cela serait d’autant plus regrettable que les délais de la procédure d’expulsion du locataire sont déjà conséquents.
Suspension et report de la procédure d’expulsion locative
Suspension de l’exécution de l’expulsion locative
La date du commandement d’avoir à quitter les lieux fait courir un délai de deux mois pendant lequel toute mesure d’expulsion est suspendue.
Dès lors, le concours de la force publique ne peut être légalement accordé avant l’expiration du délai de deux mois qui suit la notification au préfet du commandement d’avoir à quitter les lieux antérieurement signifié à l’occupant.
Ce délai de deux mois peut cependant être réduit ou supprimé lorsque la procédure de relogement n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire.
Lorsque les personnes dont l’expulsion est requise sont entrées dans les locaux par voie de fait (autrement dit, des squatteurs), le délai de deux mois ne s’applique pas. Dans ce cas, la notification du commandement de quitter les lieux et la réquisition de la force publique peuvent être simultanées.
Ce même délai peut être allongé par le juge pour une durée n’excédant pas trois mois lorsque l’expulsion présente des conséquences d’une exceptionnelle dureté pour la personne concernée, notamment du fait de la période de l’année ou des circonstances atmosphériques.
Possibilité de report de l’expulsion locative
Le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d’habitation, ou à usage professionnel dont l’expulsion est ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
S’agissant des demandes de délais, le juge des référés est compétent tant que le commandement de quitter les lieux n’a pas encore été délivré ; par la suite, c’est le juge de l’exécution qu’il faudra saisir.
Il est à noter que la saisine du juge d’une demande de délais ne suspend pas la procédure d’expulsion locative qui peut donc continuer parallèlement.
Afin de statuer sur la demande de délais, le juge prend en considération les situations du bailleur et de son locataire (âge, état de santé, situation familiale, recherches de relogement…).
Ces délais ne peuvent être ni inférieurs à trois mois, ni supérieurs à trois ans.
Trêve hivernale
Aucune procédure d’expulsion locative ne peut avoir lieu durant la période de trêve hivernale qui s’étend du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante. Dans les départements d’outre-mer, une trêve cyclonique peut s’appliquer. En 2020, en raison de la pandémie de COVID 19, la trêve hivernale a couvert une période allant de novembre 2019 à août 2020.
Attention : la trêve hivernale ne s’applique pas :
- Si le logement se trouve dans un immeuble qui a fait l’objet d’un arrêté de péril ;
- Si l’expulsion est assortie d’un relogement correspondant aux besoins familiaux du locataire ;
- Si une résidence principale ou secondaire est squattée par des personnes entrées illégalement.
Précision importante : si aucune expulsion ne peut normalement avoir lieu durant la période de trêve hivernale, le propriétaire a tout de même le droit d’engager une procédure d’expulsion locative pendant cette période en saisissant le juge. Si le juge ordonne l’expulsion du locataire indélicat, la mesure sera effective dès la fin de la trêve.
Mise en œuvre d’une procédure d’expulsion locative
La mise en œuvre de la procédure d’expulsion locative relève de la compétence exclusive des huissiers de justice.
Attention : le bailleur qui procède lui-même à l’expulsion d’un locataire indélicat est passible de 3 ans de prison et de 30 000 euros d’amende.
L’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion ne peut pas pénétrer dans les lieux hors la présence de l’occupant. De même, il doit se présenter au logement les jours ouvrables entre 6 heures et 21 heures.
Si l’expulsion a pour objet la libération du logement loué, elle a également pour objet de libérer les lieux loués des meubles s’y trouvant, à l’exception de ceux qui appartiennent au propriétaire si le logement a été loué en vertu d’un bail meublé.
Les huissiers doivent, dans un premier temps, tenter d’exécuter seuls les mesures d’expulsion et, faute de succès, solliciter le concours de la force publique, c’est-à-dire l’assistance de la police ou de la gendarmerie.
Le concours de la force publique est accordé, suspendu ou refusé par le préfet du département concerné. Lorsque ce concours a été accordé, il doit être effectivement mis en œuvre dans un délai raisonnable. Il est à noter que toute décision de refus doit être motivée.
Le refus du préfet engage la responsabilité de l’Etat et ouvre droit à réparation pour le propriétaire dans certaines conditions.