Trouble anormal de voisinage : que faire ?

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SOUSSENS Avocat - droit immobilier - trouble anormal de voisinage

Victime d’un trouble anormal de voisinage, après un achat immobilier par exemple, vous vous demandez quels sont vos recours, vos moyens d’action pour mettre un terme à cette situation.

Avant toute chose, il faut distinguer entre les nuisances, désagréables mais normales, acceptables et nuisances « anormales », celles qui dépassent les inconvénients normaux du voisinage car, évidemment, la vie en immeuble collectif suppose inévitablement une certaine tolérance entre voisins.

La nuance entre une gêne importante et un trouble de voisinage anormal n’est pas évidente, elle est affaire de subjectivité et de ressenti.

Ainsi, un individu pourra être dérangé par des enfants jouant l’après-midi car il travaille de nuit et se repose le jour, tandis que ce même individu ne sera pas dérangé par la soirée organisée par ses voisins puisqu’il sera au travail durant cette période.

Des bruits liés à un chantier, par exemple, ne sont pas a priori un trouble anormal de voisinage mais, si les travaux se poursuivent de nuit, l’inconvénient qu’il représente devient anormal.

Encore, si les aboiements ponctuels d’un chien seront considérés comme un trouble « normal », le fait que l’animal aboie tous les jours rendra le désagrément anormal.

Les exemples sont légion et c’est la raison pour laquelle, le Cabinet SOUSSENS, avocats experts en achat immobilier, a décidé de consacrer un article à la question du trouble anormal de voisinage.

Qu’est-ce qu’un trouble anormal de voisinage ?

Lorsque l’on pense trouble anormal de voisinage, c’est le bruit et les nuisances sonores qui viennent immédiatement à l’esprit :

  • Les bruits provoqués par un individu, locataire ou propriétaire d’un logement (cris, talons, chants, organisation de fêtes…),
  • Les bruits provoqués par une chose (instrument de musique, téléviseur, chaîne hi-fi, outil de bricolage…),
  • Les bruits provoqués par un animal (par exemple, les aboiements d’un chien),

Mais les nuisances sonores ne sont pas les seules à pouvoir caractériser un trouble anormal du voisinage, bien au contraire.

Les nuisances olfactives (barbecue, ordures, fumier, odeurs liées à la cuisine d’un restaurant…) ainsi que les nuisances visuelles (par exemple, la perte d’ensoleillement, d’une vue remarquable) peuvent, elles aussi, constituer un trouble anormal de voisinage.

Pour chaque situation, il faudra se demander si le trouble de voisinage est anormal ou pas. Et la réponse à cette question dépend de multiples facteurs :

  • La perte d’ensoleillement, en raison de la construction d’un nouveau bâtiment, ne sera pas considérée comme un trouble anormal de voisinage dans un environnement très urbain, son appréciation sera en revanche différente en pleine campagne, au bord de la mer,

Dans ces exemples, l’anormalité du trouble est appréciée en fonction de sa gravité, de sa durée et du ressenti des voisins. C’est ce que le juge devra apprécier s’il est saisi d’un dossier de trouble anormal de voisinage. Et, pour apprécier le caractère anormal du désagrément, le juge va, notamment, examiner les règles applicables.

Les règles en matière de travaux

En matière de bruit, la loi prévoit qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé.

On considère qu’il y tapage diurne dès que le bruit est répété, intensif et /ou qu’il dure dans le temps.

Le tapage diurne est constitué en cas de nuisance sonore supérieure « émergente » à 5 décibels pondérés A (unité de mesure acoustique). Quant à lui, le tapage nocturne est constitué en cas de nuisance sonore supérieure à 3 décibels.

A ces deux mesures acoustiques, s’ajoutent des mesures correctives, en fonction de la durée du bruit.

C’est-à-dire que plus la durée du bruit se prolonge dans le temps, moins le bruit n’a besoin d’être « fort » pour être répréhensible. En effet, il apparaît normal d’être clément sur un laps de temps court, alors qu’un bruit se prolongeant de façon excessive ne doit pas être excusable.

Dans un exemple concret, si une nuisance sonore se produit entre 22h et 7h, avec une durée cumulée de 45 minutes, la correction est de 3 ; de ce fait, l’émergence admissible sera de 6 décibels (3 décibels fixés par la loi pour le tapage nocturne et 3 décibels de correction).

Il est à noter que plus la durée du bruit se prolonge, moins le terme correctif est important. Donc si on reprend notre exemple, imaginons une nuisance sonore avec une durée cumulée de plus de 8 heures, dans ce cas, il n’y a aucun correctif. Le tapage sera constaté à partir de 5 décibels le jour et 3 décibels la nuit.

Comment faire lorsqu’on procède à un achat immobilier ancien et que l’on doit effectuer des travaux chez soi ?

Il faut réaliser les travaux bruyants :

  • De 8h à 12h et de 14h à 19h30 en semaine
  • De 9h à 12h et de 15h à 19h le samedi
  • De 10h à 12h les dimanches et jours fériés

Concernant les travaux lourds et de rénovation complète, c’est la préfecture qui fixe les horaires durant lesquels la réalisation de ces travaux est admise. A Paris, ils peuvent se dérouler de 7h à 22h du lundi au vendredi et de 8h à 20h le samedi. En dehors de ces horaires, le bruit sera considéré comme une nuisance sonore constitutive d’un trouble anormal de voisinage.

Les recours contre le trouble anormal de voisinage

En cas de tapage, diurne comme nocturne, la première étape est d’engager une démarche amiable auprès de l’auteur de la nuisance.

Il convient tout d’abord d’identifier formellement l’auteur des bruits (et ce n’est pas toujours évident). Ensuite, il faut informer ce voisin de la gêne subie et évoquer avec lui les moyens possibles d’amélioration de la situation.

Notons à ce titre qu’une personne qui fait du bruit n’est pas toujours de mauvaise foi et peut ne pas être consciente de la gêne qu’elle provoque par ses agissements.

Ce n’est que si la démarche amiable échoue qu’il devient alors impératif d’entreprendre une démarche plus contraignante auprès du propriétaire bailleur afin qu’il intervienne auprès de son locataire, du syndic de copropriété pour qu’il rappelle au contrevenant le nécessaire respect du règlement de copropriété, du commissariat ou encore de la gendarmerie…

Attention : pour pouvoir pénétrer dans l’immeuble collectif, les forces de police doivent avoir pour cela reçu l’autorisation de l’assemblée générale de copropriété. En effet, certains immeubles en copropriété, au titre de leur vie privée, refusent l’accès à la gendarmerie.

En cas de trouble important et répété, il est également possible de faire constater le trouble par un huissier de justice afin qu’il établisse un constat. Important : la nuisance doit être constatée au moment de l’intervention de l’huissier. Ce constat d’huissier, qui est une mesure payante, sera particulièrement utile si le plaignant souhaite engager une action en justice.

En cas d’échec des démarches amiables, la victime du trouble anormal de voisinage n’aura d’autre choix que de saisir la justice pour faire condamner l’auteur du trouble à y mettre fin et être indemnisé des préjudices subis.

En cas de découverte d’un vice caché après l’achat d’un bien immobilier, le propriétaire peut invoquer ce vice dans le cadre d’une action en justice.

Le vice affectant l’immeuble (c’est-à-dire concrètement la nuisance subie) doit répondre à certaines caractéristiques pour pouvoir mettre en jeu la garantie des vices cachés en immobilier :

  • L’antériorité du vice caché par rapport à l’achat du bien immobilier,
  • Le caractère caché du vice lors de la visite de l’immeuble,
  • Un vice caché affectant l’usage de l’immeuble,
  • Un vice caché inhérent à l’immeuble.

Les risques en cas de trouble anormal de voisinage

L’auteur du trouble anormal, qu’il soit locataire ou propriétaire (occupant ou dans le cadre d’un investissement immobilier locatif), risque une amende forfaitaire immédiate allant de 68 à 450 €.

La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction est également possible (comme la chaîne stéréo ou les enceintes audio par exemple).

Par ailleurs et ce n’est pas négligeable, le locataire auteur du trouble anormal risque la résiliation de son bail du fait de son comportement répréhensible et ainsi, l’expulsion locative par son propriétaire.

Il est donc conseillé au propriétaire de faire attention au choix de son locataire au moment de la signature du contrat de location car en cas de nuisances, même si c’est l’auteur du trouble qui est sanctionné, le bailleur pourra voir sa responsabilité engagée à l’égard du Syndicat des copropriétaires.

C’est ainsi que l’exploitant d’un bar à chicha situé au sein d’une copropriété a été condamné à payer des dommages et intérêts au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble pour avoir généré des nuisances sonores et olfactives dans les parties communes et les appartements, nuisances caractéristiques de troubles anormaux du voisinage.

Sont donc concernés par les troubles anormaux du voisinage, tant que le bail commercial que le bail d’habitation.

Comme dans l’exemple précédent, des dommages et intérêts peuvent être accordés aux demandeurs en réparation des préjudices subis : fissurations provoquées par les vibrations du chantier voisin, préjudice moral du fait du bruit, etc.

Si vous n’êtes pas certain que les nuisances que vous subissez sont constitutives d’un trouble anormal de voisinage, n’hésitez pas à nous contacter afin de pouvoir étudier, ensemble, la pertinence d’une action en justice.

Article rédigé par Maître Laura MOINIER