Comme avocat expert en VEFA, l’on me demande souvent combien le promoteur immobilier doit verser à ses clients pour les indemniser en cas de retard de livraison. Mais il n’y a pas de réponse « toute faite » à cette question. Le principe même d’une indemnisation en cas de retard de livraison et a fortiori son montant dépendent de plusieurs facteurs, notamment la rédaction de l’acte de vente, les conséquences du retard de livraison pour l’acquéreur.
L’indemnisait par le promoteur immobilier – et l’on n’évoquera ici que le sujet du retard de livraison -n’est donc pas automatique, hélas ! Et, pour chaque programme immobilier en VEFA, pour chaque acquéreur, il faut examiner en détails les conditions d’une éventuelle indemnisation par le promoteur immobilier.
Pour appréhender toute la subtilité du sujet, voyons d’abord pourquoi il est si difficile d’être indemnisé par le promoteur en cas de retard de livraison. Voyons ensuite, à travers un exemple typique, à combien le promoteur est condamné lorsqu’il livre en retard un appartement acheté en VEFA.
Sommaire
Pourquoi il est difficile d’obtenir une indemnisation par un promoteur immobilier
Les actes de vente en état futur d’achèvement ne prévoient généralement pas de pénalités de retard pour le promoteur immobilier.
Ces contrats, rédigés par les notaires des promoteurs, prévoient bien des pénalités de retard si l’acheteur paye en retard un appel de fonds, mais « oublient » toute sanction à l’égard du promoteur qui livrerait en retard.
En revanche, les actes de vente en état futur d’achèvement sont prolixes s’agissant des causes qui autorisent le promoteur à retarder la livraison : la force majeure, la défaillance d’une entreprise, les intempéries, etc. Certains actes prévoient même que la durée de report de la livraison peut être doublée. Ainsi 1 jour d’intempérie = 2 jours de retard de livraison !
Malheureusement, les acquéreurs ne découvrent ces clauses qu’une fois le problème survenu et elles s’imposent à eux. Pour éviter cela, il faut, idéalement, que dès la signature du contrat de réservation de la VEFA exiger que figurent ensuite à l’acte de vente une clause prévoyant des pénalités de retard à la charge du promoteur.
Sans cette clause, l’acquéreur devra chercher à être indemnisé par le promoteur immobilier des préjudices qu’il subit du fait du retard de livraison de la VEFA. A la différence des pénalités de retard, l’indemnisation n’est donc pas automatique, ni dans son principe, ni dans son montant et c’est là toute la difficulté pour les acquéreurs.
Les indemnités dues par le promoteur immobilier
En effet, s’il veut obtenir une compensation des pertes qu’il subit en raison du retard de livraison, l’acquéreur pourra tenter de négocier avec le promoteur et, en cas d’échec des négociations, porter l’affaire sur le plan judiciaire.
Que peuvent-ils espérer ?
Logiquement, l’acquéreur qui justifie des préjudices liés à un retard de livraison doit recevoir une somme équivalente au montant des préjudices subis. Concrètement, lorsque la livraison d’une VEFA est retardée, l’acquéreur va devoir payer à sa banque des intérêts intercalaires plus longtemps, il risque de perdre l’avantage fiscal s’il avait acheté dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation, il va devoir démanger 2 fois s’il avait acheté pour se loger et doit quitter son ancien logement. L’acquéreur perdra également le montant des loyers escomptés s’il avait acheté pour louer.
Pour chaque situation, l’acquéreur en VEFA doit lister ses pertes et, pour chaque poste, justifier du montant demandé. Naturellement, le promoteur immobilier s’ingéniera à discuter pied à pied chaque poste de préjudice.
Pour se faire une idée de l’âpreté des discussions et du résultat que l’on peut obtenir, examinons un cas concret de condamnation d’un promoteur dans le cadre d’une vente en état futur d’achèvement. Dans une décision du 4 juin 2019, la Cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 1re ch., 4 juin 2019, n° 17/03768) a condamné un promoteur immobilier à verser à sa cliente les sommes suivantes :
- 3.000 € au titre du préjudice de jouissance pour 7 mois de retard,
- 2.300 € en indemnisation du préjudice moral, constitué par les reports successifs de la date de livraison, le fait de s’être déplacée plusieurs fois sur place pour une livraison qui n’était pas possible car l’appartement n’était pas « livrable » ;
- Et 5.300 € au titre de ses frais de procédure.
On pourra estimer que la somme à laquelle le promoteur immobilier est condamné au titre du préjudice de jouissance n’est pas très élevée. L’explication est la suivante : pour fixer cette somme la Cour d’appel n’a pas retenu la valeur locative du bien acheté en VEFA (grandes étapes), mais le montant du loyer payé par l’acquéreur pour son ancien logement. Ainsi, et comme dans beaucoup de dossiers, les acquéreurs font de leur mieux pour limiter les conséquences financières du retard de livraison, au détriment de leur confort et ces efforts profitent en définitive …. au promoteur immobilier qui ne sera condamné à leur verser qu’une indemnisation limitée.
Dans une autre affaire, jugée par le Tribunal judiciaire de NANTERRE (18 janvier 2024), le promoteur a été condamné à verser 8.500 € à l’acquéreur pour un retard de livraison de 2 mois. Ce qui est intéressant dans cette affaire ce sont les 2.000 € alloués à l’acquéreur au titre de son préjudice moral et 3.000 € au titre de ses frais de procédure.
Dans d’autres affaires, le retard de livraison était tel que les acquéreurs ne souhaitaient même plus que le promoteur immobilier les indemnisé, ils préféraient que la vente soit annulée et, sous certaines conditions, ont obtenu gain de cause.