Lorsque qu’un investissement immobilier tourne mal, se pose parfois la question de savoir si le notaire qui a reçu les actes de vente a pris une part de responsabilité dans la situation déplorée.
Cette question a évidemment une portée pratique immédiate puisque les notaires sont obligatoirement assurés au titre de leur responsabilité civile professionnelle.
Ainsi, à la différence des autres intervenants dont l’insolvabilité peut priver les investisseurs d’indemnisation, le notaire et son assureur peuvent apparaître comme les ultimes recours.
Il convient toutefois de garder à l’esprit que la responsabilité du notaire ne peut être utilement recherchée que lorsque l’événement ou le fait générateur des difficultés lui est/sont partiellement ou totalement imputable(s).
Ainsi, le notaire ne peut, par exemple, se voir reprocher le fait que les attestations du maître d’œuvre relatives à l’avancement des travaux ne soient pas « sincères », c’est à dire ne reflètent pas la réalité du chantier.
Il en va différemment si le notaire disposait de documents dont le contenu contredit le contenu de cette attestation (CIV. 1ère, 30 mai 2013, pourvoi n°12-23592).
Le notaire peut également être condamné à indemniser les acquéreurs s’il ne les a pas suffisamment alertés sur les risques spécifiques que présentait l’acquisition.
Plusieurs notaires ont ainsi vu leur responsabilité retenue pour ne pas avoir expliqué aux acquéreurs la différence entre garantie intrinsèque et garantie extrinsèque (aussi appelée garantie financière d’achèvement) en matière de V.E.F.A.
Ainsi, à une époque où 2 garanties d’achèvement de l’immeuble vendu « sur plan » coexistaient, les notaires devaient donc non seulement informer les acquéreurs des différences entre les 2 garanties, plus précisément leur indiquer que la garantie extrinsèque était, en réalité, la seule garantie fiable ; mais encore, se ménager la preuve de ce qu’ils avaient transmis à l’acquéreur ces éléments d’information (Reims, 29 janvier 2013, RG n°11/01496 et Civ. 1ère, 17 mars 2011, pourvoi n°10-12276).
La garantie intrinsèque a disparu et pour toutes les opérations de construction, vendues en état futur d’achèvement, ayant fait l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire à compter du 1er janvier 2015, le vendeur doit justifier d’une garantie extrinsèque.
Demeure néanmoins l’obligation, pour le notaire, d’attirer l’attention des acquéreurs sur les risques lorsque la vente intervient dans des conditions « particulières ».
Certains promoteurs ont en effet vendu des lots d’immeuble « à rénover » sans pour autant faire entrer ces ventes dans le cadre réglementé de la « vente d’immeuble à rénover » ou V.I.R.
Les acquéreurs ont donc payé au promoteur le prix de vente du lot et le montant des travaux de rénovation à réaliser sans garantie d’achèvement de ces travaux.
Pire encore, les acquéreurs, regroupés en syndicat de copropriétaires ou en association syndicale libre, ont découvert qu’ils étaient les maîtres d’ouvrage de l’opération et, partant, responsables du règlement du montant de travaux à l’égard des entreprises, nonobstant le fait qu’ils avaient déjà réglé le montant desdits travaux entre les mains du promoteur…
Dans une affaire où le promoteur avait choisi ce genre de montage, les acquéreurs ont engagé une action judiciaire notamment contre le notaire et ont obtenu sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts.
La Cour d’appel de RIOM a en effet estimé que le notaire avait engagé sa responsabilité en recevant une vente qui ne s’inscrivait pas dans le cadre réglementé de la vente d’immeuble à rénover V.I.R. sans informer les investisseurs de ce qu’ils ne bénéficieraient pas des garanties associées à la V.I.R.et alors même que le notaire disposait d’informations relatives aux difficultés que rencontrait le promoteur dans la commercialisation des lots et, partant, au peu de trésorerie dont il disposait pour faire réaliser les travaux (Riom, Chambre commerciale, 28 février 2018, n° 16/01520).
Le notaire a ainsi été condamné à verser aux acquéreurs :
- la somme de 44.584 € correspondant au prix d’acquisition,
- 1 508,27 € au titre des frais d’acquisition,
- 10 000 € en réparation du préjudice moral,
- 5 000 € en réparation du préjudice économique,
- Et 11.000 € au titre des frais de procédure.