Quelle vie privée en copropriété ?

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SOUSSENS Avocat - droit immobilier - copropriété et vie privée

Si chacun a le droit au respect de sa vie privée, des atteintes à la vie privée en copropriété sont permises pour permettre le bon fonctionnement de la copropriété.

Un immeuble – ou un groupe d’immeuble – est placé sous le régime de la copropriété dès l’instant qu’il est la propriété de plusieurs personnes ; les copropriétaires. Chacun est propriétaire d’une fraction des parties communes et d’un ou plusieurs lots privatifs.

La copropriété comprend donc à la fois des parties communes à tous les habitants de l’immeuble et des parties privatives à chaque copropriétaire correspondant à chaque appartement, cave ou encore parking, ce sont les espaces privés de la copropriété.

Rappelons ici que les parties communes d’un immeuble en copropriété ne sont pas un espace public, la copropriété est un lieu privé, dont l’accès est réservé à ses occupants et aux personnes expressément autorisés à y pénétrer.

Comme avocats expert en copropriété, nous sommes régulièrement interrogés sur le thème de la vie privée en copropriété et les problématiques rencontrées sont les suivantes :

Mon immeuble est-il un lieu public ou un espace privé ? La propriété privée est-elle restreinte par la vie en copropriété ? Peut-on réellement avoir une vie privée en copropriété ?

La copropriété est un espace privé

La copropriété est un espace privé auquel les tiers n’ont, normalement pas accès. Les copropriétaires, réunis en assemblée générale de copropriété, déterminent donc les modalités d’accès à l’immeuble (serrures, badges, interphones, codes, etc.) et peut accorder à certaines catégories de personnes le droit permanent d’entrer dans les lieux.

L’assemblée générale de copropriété détermine ainsi les modalités de fermeture de l’immeuble par un vote à la majorité de l’article 26. Concrètement, la majorité de l’article 26 c’est la majorité de tous les copropriétaires présents, représentés ou absents détenant au moins les deux tiers des voix de tous les copropriétaires, même absents et non représentés.

Par ailleurs, la loi permet aux propriétaires d’immeubles à usage d’habitation la faculté d’accorder à la police et à la gendarmerie nationale ou le cas échéant, à la police municipale, une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles.

Cette autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes d’un immeuble à usage d’habitation est votée par l’assemblée générale de copropriété à la majorité de l’article 25.

Concrètement, la majorité de l’article 25 c’est la majorité des voix de tous les copropriétaires, qu’ils soient présents, représentés ou absents.

Si la copropriété doit, par un vote de l’assemblée, se prononcer favorablement pour permettre à la police ou à la gendarmerie d’accéder aux parties communes de l’immeuble lorsque cela s’avère nécessaire, c’est bien parce que la copropriété n’est pas un espace public pour lequel aucune autorisation ne doit être donnée aux forces de police pour qu’ils interviennent.

Les limitations au droit de la propriété privée en copropriété

Si nous avons rappelé que des atteintes à la vie privée en copropriété pouvaient exister du fait même de cette vie en collectivité, n’oublions pas qu’un lot de copropriété est constitué d’une quote-part de parties communes mais aussi et surtout d’une partie privative.

Cette partie privative étant la propriété exclusive de celui qui la possède, le copropriétaire peut jouir de cette partie privative comme bon lui semble. Il peut ainsi y habiter, la louer ou encore y faire les travaux qu’il souhaite, comme repeindre son appartement en rose !

De cette manière, la liberté individuelle n’a pas ou seulement peu de limites concernant la partie privative du copropriétaire, laquelle est l’expression concrète de sa vie privée en copropriété.

Mais là encore, des limites existent.

Ainsi, aucun copropriétaire ne peut entreprendre de travaux conséquents (tels qu’abattre un mur porteur par exemple), sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’assemblée générale de copropriété. En outre, depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN, les travaux ne pourront démarrer que 2 mois après la notification aux copropriétaires du PV d’AG de copropriété autorisant la réalisation desdits travaux.

De même, d’autres atteintes ou limitations à la liberté individuelle sont imposées par la vie en copropriété, il s’agit par exemple de la destination de l’immeuble qui définit l’usage « normal » du bâtiment, sa fonction. La destination de l’immeuble, prévue dans le règlement de copropriété, est souvent liée aux caractéristiques de l’immeuble tel que son aspect, son standing, son environnement…

Le règlement de copropriété peut ainsi prévoir que l’immeuble sera à usage unique d’habitation, ou bien à usage professionnel, ou encore que l’immeuble sera à usage mixte, c’est-à-dire à usage d’habitation mais abritant également des locaux professionnels.

Attention, lorsque que le règlement de copropriété contient une clause d’habitation bourgeoise exclusive, les activités professionnelles et commerciales dans l’immeuble sont interdites. Le propriétaire d’un Airbnb ne sera alors pas autorisé à mettre son appartement en location saisonnière de courte durée puisqu’il s’agit d’une activité commerciale.

Si la destination de l’immeuble limite chaque copropriétaire dans l’usage qu’il peut faire de son propre appartement, elle le protège dans le même temps des utilisations abusives pouvant être pratiquées par les autres copropriétaires ou occupants de l’immeuble.

Les restrictions apportées à la vie privée en copropriété ont donc pour objectif de préserver l’équilibre entre l’intérêt général, celui de l’ensemble des copropriétaires et le droit de chacun de disposer de son bien en toute liberté.

Le respect de la vie privée en copropriété

Cohabiter avec d’autres dans un immeuble en copropriété implique de respecter certaines règles : respecter la vie privée des autres copropriétaires et, plus largement, ne rien faire qui pourrait gêner exagérément les autres occupants de l’immeuble.

L’interdiction des atteintes à la vie privée en copropriété

Même si l’on est voisins, l’on n’est pas autorisé à tout connaître les uns des autres. Mais, en copropriété, la proximité, voire la promiscuité, peut faire oublier cette règle.

Naturellement habitués à se côtoyer, dans les parties communes, lors des assemblées générales, l’on apprend de ses voisins : mariage, naissance, décès, etc. En revanche, il n’est pas permis de rechercher des informations personnelles sur ses voisins.

Nous avons ainsi été interrogés sur l’attitude d’un copropriétaire qui fouillait les poubelles de son immeuble, au prétexte de trier les déchets.

Cette pratique est tout à fait illégale.

En premier lieu, la fouille des poubelles, dite aussi « chiffonnage » est interdite par le règlement sanitaire de la ville de Paris.

En second lieu, le fait de récupérer des documents personnels, comme des correspondances, jetés par leur propriétaire, constitue une infraction pénale. Les juges considèrent en effet que le fait de jeter des papiers n’autorise pas autrui à les collecter.

L’interdiction des troubles anormaux de voisinage

Chacun peut naturellement faire ce qu’il veut chez lui mais…

Dès qu’ils constituent un trouble anormal, les bruits de voisinage tels que des nuisances sonores peuvent être sanctionnés. Il peut notamment s’agir :

  • de bruits provoqués par un individu, locataire ou propriétaire d’un logement (cris, talons, chants, organisation de fêtes…),
  • de bruits provoqués par une chose (instrument de musique, téléviseur, chaîne hi-fi, outil de bricolage…),
  • de bruits provoqués par un animal (par exemple, les aboiements d’un chien).

Précision : dès lors que ces bruits de voisinage sont anormaux, ils peuvent être sanctionnés qu’ils se manifestent de jour ou bien de nuit.

Pour être considéré comme un trouble anormal, le bruit commis en journée doit être répétitif, intensif ou durer dans le temps. Tandis que lorsque le bruit est commis la nuit, il n’a ni besoin d’être répétitif, ni d’être intensif, ni de durer dans le temps. Il suffit que l’auteur du tapage ait conscience du trouble qu’il engendre et qu’il ne prenne pas les mesures nécessaires pour remédier au tapage.

Si chaque copropriétaire a bien évidemment le droit de jouer au piano, d’inviter ses amis à dîner ou encore de posséder un animal domestique, il doit le faire dans des conditions qui ne nuisent pas aux autres occupants.

Pour en savoir plus sur le trouble anormal de voisinage.

Article rédigé par Maître Laura MOINIER