Nouvelle tentative des exploitants de résidences séniors pour faire baisser les loyers : faire croire aux propriétaires que la clause d’indexation du bail commercial serait nulle.
Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu’un investissement en LMNP est un achat immobilier qui fait intervenir plusieurs acteurs :
- L’investisseur lui-même,
- L’exploitant, c’est-à-dire l’entreprise qui gère la résidence,
- Le Syndicat des copropriétaires, c’est-à-dire l’ensemble des copropriétaires de la résidence,
- La banque qui a prêté les fonds pour réaliser l’investissement immobilier.
L’investisseur et l’exploitant sont liés par un bail commercial, le premier est le propriétaire, le bailleur, et le second est le locataire.
Depuis quelques semaines, des propriétaires reçoivent des correspondances de leur locataire, leur « expliquant » que, sur la base d’une décision rendue il y a plusieurs années par la Cour de cassation, le locataire « annule » de sa propre initiative la clause d’indexation du bail commercial et retient totalement ou partiellement les loyers des mois à venir.
Comment réagir dans cette situation ? Que répondre à l’exploitant ? Profitez des explications et des recommandations d’un avocat expert en achat immobilier.
Sommaire
Qu’est-ce qu’une clause d’indexation ?
Une clause d’indexation est une phrase insérée dans un contrat qui permet de réviser automatiquement le prix, afin qu’il demeure cohérent avec l’évolution des prix par exemple. Ces clauses sont toujours présentes dans les baux, les baux d’habitation comme les baux commerciaux, y compris ceux des résidences-services.
Il existe plusieurs types de clauses.
La fameuse clause d’échelle mobile. : son principe est simple : on choisit un indice de référence et le montant du loyer évolue en fonction des variations de cet indice. On appelle cela une clause d’échelle mobile.
Au fil du temps, l’habitude a été prise, pour les baux commerciaux de prévoir que la révision du loyer ne pouvait intervenir qu’à la hausse. Autrement dit, si l’indice choisi comme référence augmente, le loyer augmente. En revanche, si cet indice baisse, le loyer ne baisse pas. Le propriétaire bailleur est donc toujours gagnant.
On trouve également des clauses d’indexation qui prévoient que le loyer sera augmenté systématiquement de 2 % tous les 3 ans par exemple. C’est souvent la formule retenue en matière d’investissement immobilier en EHPAD et c’est d’ailleurs un argument de vente…
Comment une clause d’indexation peut-elle être annulée ?
Comme toutes les autres clauses du contrat, la clause d’indexation ne peut être annulée :
- Que par l’accord des deux parties, qui conviennent d’y renoncer,
- Que par une décision de justice.
C’est ce qui est arrivé pour la clause d’échelle mobile qui excluait la révision à la baisse du loyer. La Cour de cassation, dans une désormais célèbre décision du 14 janvier 2016 (n°14-24681) a considéré qu’une telle clause d’indexation devait être annulée.
Mais cela ne signifie absolument pas que toutes les clauses d’indexation des baux commerciaux, fussent-elles des clauses d’échelle mobile excluant la révision à la baisse du loyer, sont annulée d’office. Loin de là….
Le locataire qui veut contester la validité de la clause d’indexation de son bail doit saisir la justice pour qu’il soit statué sur « sa » clause. C’est ce que font désormais régulièrement des locataires et la jurisprudence est nourrie en la matière (par ex. Cour d’rappel de DIJON, 7 mai 2020, n° 18/00281). Par conséquent, l’exploitant d’un EHPAD ne peut imposer au propriétaire l’annulation de la clause d’indexation.
Qui plus est, en matière d’investissement immobilier locatif en résidence services, la clause d’indexation n’est généralement pas une clause d’échelle mobile mais une clause de révision périodique du loyer selon un pourcentage défini dès la signature du bail commercial. C’est sans doute la raison pour laquelle l’exploitant tente d’impressionner les propriétaires avec une terminologie juridique dévoyée plutôt que de suivre la voie judiciaire pour parvenir à ses fins.
Que faire ?
Le but de l’annulation de la clause d’indexation est très précis : effacer l’augmentation du loyer des 5 dernières années. Par exemple, si le loyer mensuel est passé de 500 € à 530 €, l’exploitant va considérer qu’il a payé 30 € « « en trop » par mois depuis 5 ans, soit 1.800 €. L’exploitant va alors « proposer » au propriétaire, par exemple, de diminuer le loyer des 6 prochains mois de 300 €, alors même que le propriétaire a acheté pour louer et que le montant du loyer lui permet de rembourser le prêt bancaire.
Que faire pour éviter cela ?
En amont, rappeler à l’exploitant que les décisions des cours d’appel et de la Cour de cassation qui annulent des clauses d’indexation ont été rendues dans des affaires opposant d’autres propriétaires et d’autres locataires et ne sont donc pas « applicables » au bail commercial signé entre lui et vous.
Et, si malgré tout, l’exploitant persiste et ne paye pas intégralement le loyer dû, il faudra envisager de lui faire délivrer un commandement de payer par voie d’huissier, comme pour tout locataire qui ne serait pas à jour du paiement du loyer.
Plusieurs juges des référés ont donné raison à des investisseurs en condamnant des exploitants à payer aux propriétaires le montant du loyer indexé (Référés TJ Meaux, 25 novembre 2020, RG 20/00728 ; Référés, TJ MEAUX, 10 novembre 2020, RG 20/00690 . Référés, TJ MELUN, 20 novembre 2020, RG 20/00496).