Les nuisances sonores constituent le trouble de voisinage sans doute le plus fréquent. Qu’il s’agisse du bruit d’un chantier de construction, des ébats ou encore des animaux, voire même des ébats d’animaux, ces désagréments sont parfois si insupportables qu’ils conduisent auteurs et victimes devant les Tribunaux.
La jurisprudence fourmille de décisions sur le sujet et, au fil des affaires qu’elles traitent, les juridictions dessinent les contours de ce qu’est un trouble anormal de voisinage.
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Quand le chant du coq devient un trouble anormal de voisinage
Le fait de vivre à proximité implique forcément d’être dérangé par les bruits qu’il produit : son de la radio, de la télévision, bruits de pas, claquements de portes, etc.
Ce sont les inconvénients normaux de voisinage.
En revanche, dans certains cas, ces inconvénients prennent des proportions anormales.
C’est notamment le cas de la voisine qui arpente son logement toutes les nuits en faisant claquer ses talons aiguilles sur un plancher en bois.
C’est également le cas du chien qui « pleure » l’absence de son maître dès qu’il se retrouve seul ou du chihuahua excessivement enthousiaste.
Il arrive ainsi que le trouble soit si insupportable et que, toutes les tentatives de règlement amiable ayant échoué, un voisin excédé saisisse la justice afin de faire cesser les troubles subis.
C’est la démarche qu’ont entreprise des habitants d’une bourgade rurale exaspérés par le chant des coqs élevés par leur voisin immédiat.
Le milieu urbain n’a, en effet, pas l’apanage des nuisances sonores.
Et, alors même que l’on pourrait imaginer que le chant du coq soit un « inconvénient » normal du voisinage à la campagne, le Tribunal de Haguenau et la Cour d’appel de Colmar ont considéré que c’est n’est plus le cas dès lors :
- Que les coqs chantent « sans discontinuer» « à tue-tête », tout au long de la journée,
- Et que leur propriétaire les laisse divaguer à proximité immédiate de l’habitation voisine alors qu’elle dispose d’un espace plus éloigné parfaitement à même de les accueillir.
Les juges ont donc estimé qu’ « Il est alors parfaitement justifié d’exiger de Madame C. qu’elle tienne ses poules et ses nombreux coqs à distance de l’habitation de ses voisins, qui fait immédiatement face à sa propriété, surtout qu’elle possède un pré à l’arrière des bâtiments, qui paraît à bonne distance, outre que le bâti atténue le bruit comme a pu le constater l’huissier mandaté par les intimés ».
Enfin, pour garantir le respect de ses prescriptions par l’éleveuse, la Cour condamne la propriétaire des bruyantes volailles :
- A empêcher « ses coqs d’accéder à la cour située à l’avant de sa propriété sous peine d’être condamnée au paiement d’une somme de 20 euros par chant de coq situé dans cette cour constaté par huissier de justice»,
- Et à clôturer « le passage situé de côté entre sa maison et la propriété voisine de façon à empêcher le passage des coqs dans la cour et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard».
L’avicultrice devra également verser à ses voisins les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et 800 euros au titre de leurs frais de procédure.
Comment mettre fin à un trouble anormal de voisinage ?
Un tel résultat s’obtient à force de persévérance et de pugnacité.
Il faut ainsi apporter des témoignages, faire établir des constats d’huissier ou encore faire désigner un expert judiciaire car, évidemment, l’auteur des nuisances aura beau jeu de nier jusqu’à leur existence si aucune preuve tangible n’est apportée.
En amont, c’est-à-dire avant d’engager la procédure, les victimes de nuisances, de toutes natures, doivent se ménager la preuve de l’existence des nuisances, en démontrer leur ampleur et, partant, l’existence d’un trouble anormal de voisinage.
Puis, en aval, une fois la décision obtenue, il faudra faire constater, par huissier, les éventuelles nouvelles infractions.
Dans l’exemple des coqs, si ceux-ci déambulent à nouveau dans l’espace qui leur est désormais interdit, les voisins devront faire constater la situation par un huissier et retourner devant une juridiction pour obtenir le paiement de l’astreinte correspondante.
La bataille est donc rude à mener mais elle est souvenant inévitable, qu’il s’agisse de préserver sa santé ou de conserver à son patrimoine sa valeur vénale.