Dans la jolie campagne charentaise, à l’hiver 2008, M. X, alors âgé de 72 ans, décide de vendre, en viager, à M. Y, dont il était l’ami, un bien immobilier moyennant une rente viagère mais sans « bouquet ».
Le même jour, M. X fait donation à M. Y de la moitié d’une remise et d’une bande de terrain dont il est propriétaire, en indivision avec sa fille.
Ladite fille a sans doute apprécié…
Revenu sans doute à de meilleurs sentiments à l’égard de sa progéniture, M. X a entrepris de contester et le viager, et la donation.
Bouquet manquant
- X a soulevé, devant le Tribunal de grande instance d’Angoulême, puis devant la Cour d’appel de Bordeaux, de nombreux arguments sans pour autant obtenir que le viager et/ou la donation ne soient remis en question judiciairement.
- X a ainsi soutenu, notamment, que la vente en viager avait été conclu à vil prix, qu’il était fort malade au moment de signer ces actes, qu’il avait subi des pressions, de la part de l’acquéreur, de la part de son épouse, dont il a divorcé depuis, etc.
- X a notamment expliqué que l’acte de vente – le viager – ne prévoyait pas de bouquet, c’est-à-dire une somme versée immédiatement par l’acquéreur en plus des rentes versées ensuite au vendeur – le crédit rentier- jusqu’à son décès.
Mais les juges du fond se sont montrés inflexibles.
X a donc décidé de poursuivre son combat judiciaire jusque devant la Cour de cassation.
Bouquet gagnant
Et, devant cette juridiction, le crédit-rentier a partiellement obtenu gain de cause.
La Cour n’a pas annulé la vente en viager, ni la donation mais a estimé que le notaire, qui avait reçu les 2 actes, avait engagé sa responsabilité :
- En ne conseillant pas au vendeur de demander à l’acquéreur le versement d’un bouquet,
- En n’informant pas M. X de ce que la donation consentie à M. Y était contraire aux intérêts de sa fille.
S’agissant du bouquet, le notaire a sans doute imaginé que vendeur et acquéreur s’étaient mis d’accord sur ce point et qu’il ne lui appartenait pas de s’immiscer dans leurs négociations.
Mais la Cour de cassation considère que le notaire devait rappeler à M. X la possibilité de percevoir un bouquet le jour de la signature de la vente.
Ajoutons que si le notaire s’était contenté d’évoquer oralement ce point avec M.X, il aurait plaidé qu’il avait fourni cette information mais n’aurait pas été en mesure de le prouver.
Faut-il donc systématiquement faire figurer dans les acte de vente en viager une clause de « conseil donné » indiquant que le notaire a informé les parties de la possibilité du versement d’un bouquet ?
Une clause-type de plus, qui n’apporte rien à l’acte puisqu’il s’agit du simple rappel d’un droit et que peu liront…
La solution est encore plus surprenante s’agissant de la donation car il est difficile de concevoir que M. X n’avait pas conscience de « spolier » sa fille en choisissant de donner une partie de son patrimoine à un tiers.
Quoi qu’il en soit, la procédure va maintenant se poursuivre devant la Cour d’appel de Toulouse, chargée notamment de fixer le montant des dommages-intérêts auxquels M. X peut prétendre au titre de l’indemnisation de ses préjudices.
M. Y, pour sa part, ne connaîtra pas l’épilogue judiciaire puisqu’il est décédé en cours d’instance.