Des loueurs sans locataire…
Lorsque l’avantage fiscal est conditionné par la perception de revenus locatifs, l’absence de revenus entraine la perte de cet avantage fiscal.
C’est la mésaventure qu’ont vécu des investisseurs qui avaient fait l’acquisition de pas moins de 5 appartements destinés à être mis en location sous le statut de LMP (loueur en meublé professionnel).
Les appartements n’ont pas trouvé preneurs, les investisseurs :
- n’ont pas perçu les revenus locatifs attendus ;
- se sont vu notifier un redressement fiscal.
… mais pas sans recours
Après avoir négocié avec l’administration fiscale, les investisseurs ont entrepris d’agir contre :
- La société qui leur avait conseillé cet investissement,
- Le promoteur qui leur a vendu les appartements,
- La société qui devait exploiter la résidence et leur verser des loyers,
- Les banques qui ont financé les acquisitions et,
- Le notaire qui a reçu les actes de vente.
Les acquéreurs avaient sans doute pour objectif non seulement d’être indemnisés des préjudices subis, mais encore de se « retirer » du projet, la résidence hôtelière dans laquelle ils avaient investi se révélant fort peu rentable.
C’est donc sur le terrain du dol qu’ils ont agi et obtenu l’annulation des ventes.
Cette annulation entraine la restitution des biens au vendeur et la restitution par le vendeur du prix d’achat, ainsi que des frais d’acte.
L’annulation entraîne également la caducité rétroactive du prêt. Les emprunteurs devront restituer aux banques le capital mais la banque devra leur reverser le montant des intérêts perçus depuis l’origine ainsi que les frais de dossier.
La solution mérite d’être saluée car elle montre que les juges apprécient l’opération dans sa globalité pour considérer que chacun des acteurs a été « le maillon d’une même chaîne » a participé « aux manœuvres dolosives» de sorte que « le dol à l’occasion de la vente litigieuse doit s’apprécier au regard de l’ensemble du montage qui a été mis en place et non des spécifications du seul contrat de vente ».
Saisie ultérieurement, la Cour de cassation a considéré que le vendeur, notamment, avait intentionnellement trompé les acquéreurs puisqu’il n’avait pas attiré leur « l’attention (…) sur le délai nécessaire à la mise en location et sur l’impossibilité de déduire les déficits de la société dans leurs déclarations fiscales tant que les biens litigieux n’étaient pas loués ».
La Cour de cassation va encore plus loin puisqu’elle estime que la notaire a également une part de responsabilité car « conseiller habituel en optimisation fiscale spécialisé dans ce genre de montage et notaire unique du programme litigieux, (il) ne pouvait ignorer qu’il s’agissait d’une opération de défiscalisation et se devait de fournir à ses clients l’ensemble des informations concernant les obligations à respecter afin d’obtenir effectivement les avantages fiscaux légalement prévus ».
Outre la question de principe, une telle condamnation est essentielle pour les investisseurs car elle les prémunit du risque d’insolvabilité des autres acteurs du projet, les notaires étant nécessairement assurés au titre de leur responsabilité civile professionnelle.